samedi 11 avril 2015

Art Aborigène : le choix entre diamants de sang ou diamants propres ?

Chers lecteurs,

Ces derniers temps, j'ai un peu délaissé ce site "Sur les pas d'une collection d'art Aborigène", pour une bonne cause cependant.
Au fil des années, j'ai souhaité partager avec vous mes découvertes, enthousiasmes, questionnements sur ce mouvement d'art contemporain.

L'art Aborigène en 2015 prend une place de plus en plus importante dans l'histoire de l'art, avec deux expositions majeures en Europe et en Amérique du Nord :
- Indigenous Australia : Enduring Civilisation au British Museum, en avril prochain
- Une exposition au Musée des Civilisations du Québec, en Octobre prochain (pas encore affichée sur leur site)

Deux ventes aux enchères récentes soulignent la vitalité de ce marché, dont la vente Laverty chez Deutscher & Hackett le 8 mars 2015, avec 99% des lots vendus, et des prix à 170% par rapport aux évaluations initiales. Je suis toujours triste quand une collection importante comme celle des Laverty est en partie disséminée. Elle avait sa cohérence...

De nouvelles ventes importantes de collectionneurs européens renommés sont annoncées cencore en 2015 dans quelques mois. Nous assistons vraiment à un changement de génération, qui souligne cependant la maturité de ce mouvement artistique contemporain qui ne cesse de se développer.

La question de la provenance des œuvres reste toujours clefs et difficilement compréhensible sur le marché européen et Australien par ailleurs depuis quelques années, avec des pièges pour le commun des mortels.
Les artistes aborigènes ayant été tellement abusés dans le passé par des dealers peu scrupuleux, les toiles en provenance directe des artistes, conduisent souvent à beaucoup de méfiance de la part des grandes institutions et maisons de vente aux enchères.
Plus il y a de photos ou de vidéos de l'artiste au travail, plus il convient de se méfier, les artistes n'étant que rarement favorables à ces étalages. Certains artistes ont même dernièrement étaient amenés à poser devant des toiles inspirées de leurs travaux, sans qu'ils en soient l'auteur. Il convient donc d'être prudent.

En Australie, il faut savoir que les maisons de vente aux enchères les plus établies pour l'art Aborigène comme Sotheby's, Deutscher & Hackett, Bomhals... n'acceptent de façon générale que la provenance des Centres d'art Aborigène.
Ces centres agissent comme des coopératives artistiques. Ils sont établies sur les territoires aborigènes, et sont dirigés par les communautés aborigènes elles-mêmes. Ces engagements collaboratifs permettent le partage de connaissance, la formation des plus jeunes artistes, et la transmission de la culture aux jeunes générations.
Ces écoles d'art responsables jouent aussi un rôle déterminant pour apporter des ressources aux communautés aborigènes établies au sein des territoires ancestraux, ce qui est crucial aujourd'hui, avec le gouvernement australien qui souhaitent fermer plus de 150 communautés Aborigènes dans l'Outback.

Pour certains artistes n'ayant pas produit en centre d'art, la problématique est plus subtile. Certaines références comme la galerie Australis, ou Delmore, sont en générale acceptées pour Utopia...

D'autres artistes produisent à la fois en centre d'art et en dehors, pour répondre aux demandes insistantes des dealers. Un regard exercé pourra faire la différence en terme de qualité d'exécution en général, de palette de couleurs, de matériaux utilisés...
D'autres artistes n'ont jamais produits en centre d'art, ou les ont quitté sous les sollicitations d'autres acteurs... Dans ce cadre il existe alors peu de repères à part votre œil et le cadre dans lequel la peinture a été exécutée si vous pouvez le vérifier auprès du marchand...
Si certains dealers aujourd'hui ont adopté des pratiques un peu plus saines heureusement dans le cadre de "l'indigenous art code", il existent encore cependant sur le marché des œuvres onéreuses pour lesquelles l'artiste a reçu bien peu au départ, ce qui pose un problème éthique évident.

Si l'on comparaît cela au marché du diamant, c'est un peu comme les diamants de sang, issus de démarche non éthiques comme la guerre et souvent refusés par les grandes maisons, et les autres diamants dont les provenances sont bien tracées. Il y a toujours un vrai diamant d'un côté comme de l'autre : mais l'un est accepté et l'autre refusé.

Dans le domaine de l'art, on s'intéressera aussi dans la même logique au pedigree d'une pièce. Un provenance "noble", notable, donnera plus de valeur à une œuvre, qu'une provenance douteuse ou non éthique. Regardez un instant la valorisation des objets d'art venant des meilleurs sources, ou de collectionneurs connus...
Pourquoi cela serait différent pour l'art Aborigène ?

Aussi à chaque fois que vous le pouvez, il convient toujours de privilégier la provenance des centres d'art. Vous ferez un geste éthique, disposerez du meilleur niveau de qualité pour les œuvres, souvent à un bon prix, et vous encouragerez la pérennité des communautés Aborigènes dans l'Outback. Pourquoi devrions nous, nous en priver ?

Un jour cela changera peut-être... L'émotion face à une œuvre peut sans doute excuser une provenance fragile, juste comme une exception. Mais si vous collectionnez l'art Aborigène de façon durable, la provenance centre d'art reste encore aujourd'hui l'approche la plus prudente et la plus sérieuse.

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